samedi 15 décembre 2012

Izzeldin ABUELAISH, médecin palestinien à Gaza : "Je ne haïrai point"



Izzeldin ABUELAISH


Ce matin à 8H25, RFI diffusait un entretien marquant avec Izzeldin ABUELAISH, médecin palestinien ayant perdu ses trois filles à Gaza (un obus de char israélien est tombé dans leur chambre). 

Izzeldin ABUELAISH est l'auteur du livre Je ne haïrai point (Robert Laffont).

Il est interrogé par la journaliste Véronique GAYMARD.


Capture audio :


(cliquer sur la flèche orange pour écouter)


Sur le site de RFI, une page est consacrée à cet entretien : dans l'enregistrement qui y figure on remarque deux phrases supplémentaires, coupées dans la version ci-dessus diffusée ce matin (que nous avons ensuite captée sur le site de RFI, rubrique La dernière édition). On apprend, à la fin de la version intégrale, que celle-ci a été diffusée hier à 22H.

Verbatim de l'entretien intégral (les 2 phrases coupées ce matin sont soulignées) :


Journaliste : Trois de vos filles et une de vos nièces ont été tuées lors de cette opération "Plomb durci" en janvier 2009 : un obus tiré par un char israélien a atterri dans la chambre de vos filles. Alors comment en arriver à ne pas haïr dans de telles circonstances ?

Izzeldin ABUELAISH : Après ce que j'ai affronté en tant que Palestinien né et élevé au camp de réfugiés de Jabaliya, dans la plus grande pauvreté, la privation et les souffrances, j'ai finalement réussi à faire ce que je voulais de ma vie. Ma vie a été un combat, cela continue, je me bats pour survivre, et pour améliorer la vie des autres. Avec ce qui s'est passé, la mort de mes filles chéries Bessan, Mayar et Aya, et de ma nièce Noor, filles magnifiques qui se sont noyées dans leur sang, leur corps déchiqueté que je pense retrouver un jour, je me suis juré et j'ai promis à mes filles que leur sang n'aura pas été versé en vain, et que je leur apporterai un grand cadeau : la justice et la liberté pour elles et pour bien d'autres.

Journaliste : Vous avez passé toute votre vie dans un camp de réfugiés, dans la pauvreté, et malgré tout devenir médecin cela a été le maître mot qui vous a fait sortir pour tendre la main à l'autre.

Izzeldin ABUELAISH : Les parents Palestiniens et en particulier les mères Palestiniennes sont les héroïnes. Elles ont réalisé que la plus grande arme c'était l'éducation. Quand j'étais enfant je rêvais de devenir médecin, parce que la médecine a un visage humain, des valeurs humaines, pour sauver la vie, et donner la vie. La médecine ne connaît pas les barrières ou les frontières. C'est le message que je veux passer en dehors des murs de l'hôpital : un message d'égalité, de respect, de liberté, et de justice pour tous.

Journaliste : Vous avez été le premier médecin Palestinien à exercer dans un hôpital israélien, et en plus vous avez choisi une spécialité qui est la fertilité, pourquoi avoir choisi cette spécialité ?

Izzeldin ABUELAISH : Comme vous l'avez dit j'ai été le premier Palestinien lorsque j'ai commencé en 1991. C'était la première Intifada. Les Israéliens voyaient les Palestiniens comme des employés, des domestiques. Il est temps de voir les Palestiniens comme des êtres humains, tous égaux ; de voir que nous aussi sommes qualifiés, que nous pouvons apporter beaucoup. J'ai cru en cela car je pense que la médecine révèle l'égalité des êtres humains. J'ai choisi de devenir gynécologue, car cela traite de la chose la plus sacrée, l'être humain. Le moment le plus heureux pour moi est quand je remets le bébé à sa mère. Le cri du nouveau-né, c'est le cri de l'espoir.

Journaliste : Vous avez pu vous spécialiser, mais tout ça avec cette difficulté de passer les check-points en courbant l'échine, de passer en Israël, d'aller à l'hôpital où vous exerciez, de revenir chez vous à Gaza.

Izzeldin ABUELAISH : Ce qui m'a aidé à tenir c'est de garder le cap. A chaque fois que je traverse ces barrières qui sont créées par l'homme, je connais la souffrance, les intimidations, les humiliations. Mais je me concentre sur le fait qu'il y a un patient, une femme qui m'attend. Et parfois je suis en colère. Pourquoi crée-t-on ces barrières physiques et mentales ? Au lieu de construire des murs, des barrières, nous avons besoin de construire des ponts, de travailler ensemble, de partager, et de dépasser nos peurs.

Journaliste : Vous avez perdu votre femme le 16 septembre 2008, quelques mois plus tard vous perdiez donc trois filles et votre nièce, vous avez décidé de partir au Canada. Aujourd'hui vous avez créé une fondation, "Les filles pour la vie", pour pousser encore plus loin cette éducation pour les filles.

Izzeldin ABUELAISH : Je n'oublierai jamais d'où je viens, et qu'il y a des gens qui attendent mon aide. Je veux que d'autres filles concrétisent les projets de Bessan, Mayar, Aya et Noor. Car une fille en bonne santé et bien éduquée pourra élever des enfants sains et bien éduqués, qui seront les futurs maris, les familles, les communautés et la nation. Il est temps de donner aux femmes le bon rôle.

Journaliste : Aujourd'hui encore vous attendez des excuses de la part d'Israël.

Izzeldin ABUELAISH : Même pour cela je dois me battre ! Mais je ne perds pas espoir que je les obtiendrai un jour. J'ai du entamer des poursuites en justice après avoir fait tout ce que je pouvais, mais la réponse a été celle d'un sourd et d'un aveugle. On m'a répondu que c'était des dommages collatéraux. Je n'accepterai jamais que mes filles soient des "dommages collatéraux". Ce sont des êtres humains, et elles méritent plus que des excuses, elles méritent la justice et le respect pour elles et d'autres, et je continuerai à me battre pour cela.


Liens :
Izzeldin Abuelaish, au nom de ses filles (Le Monde, 26/02/2012)
Gaza : Izzeldin Abuelaish, une voix pour la paix s'élève au milieu du fracas (France Info, 15/11/2012)
"Je ne haïrai point", un combat pour la paix entre Israéliens et Palestiniens (Pélerin.info, 04/08/2011)

mardi 11 septembre 2012

Elizabeth Eckford, Little Rock, 4 septembre 1957


Saisissante photo postée il y a 2 jours sur facebook :

Il y a 55 ans: le 4 septembre 1957, La collégienne Elisabeth Eckford (une des "9 de LITTLE ROCK"), digne et droite, faisait sa rentrée dans le lycée central intégré de Little Rock sous les huées et crachats d'une foule blanche...



Infos Wikipedia :

« Elizabeth Eckford naît le 4 octobre 1941, à Little Rock en Arkansas. Comme tous les Noirs du Sud des États-Unis, elle fréquente une école pour élèves noirs : c’est encore l'époque de la ségrégation raciale.
 
Alors qu’elle a 12 ans, la Cour suprême des États-Unis déclare que la ségrégation des élèves est illégale. Mais en Arkansas, les écoles de Blancs refusent toujours d’accepter les élèves noirs. Le 4 septembre 1957, Elizabeth et huit autres élèves tentent d’entrer à l’école secondaire de Little Rock, réservée aux Blancs. Une foule en colère les insulte.
 
Le gouverneur de l'Arkansas Orval Faubus, envoie même la Garde nationale pour les empêcher d’entrer ! Le président des États-Unis Dwight Eisenhower tente de convaincre le gouverneur de changer d’avis. Les négociations échouent, et le Président envoie l’armée en Arkansas. La population blanche est furieuse. Finalement, le gouverneur décide de fermer toutes les écoles pour un an plutôt que de mélanger Blancs et Noirs !
 
L’année suivante, Elizabeth déménage à Saint Louis, au Missouri, où elle termine son secondaire et obtient un bachelor's degree en histoire. Elle revient finalement vivre à Little Rock. Aujourd’hui, l’école abrite un musée qui commémore ces événements et dénonce la discrimination raciale. »


On trouve sur le net un meilleur exemplaire du cliché ci-dessus. Un nouveau personnage apparaît sur la droite.



On trouve d'autres photos de cette scène du 4 septembre 1957, avec les mêmes personnages.

Le cliché suivant a été pris quelques secondes après le précédent (le bâtiment occupe tout l'arrière-plan, précédemment il ne figurait qu'en amorce sur la moitié gauche de l'image) :



Le cliché suivant est pris quasiment au même moment. La petite femme hurleuse qui suit Elizabeth comme son ombre reprend sa respiration entre deux hurlements.

(source)
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Ce cliché, pris dans les mêmes moments que les précédents mais dans un autre axe, montre en arrière-plan l'autre côté de la rue. On retrouve les même personnages.



Deux ou trois secondes plus tard (Elizabeth Eckford figure maintenant à l'avant de la maison en arrière-plan), photo prise peut-être par le même photographe :



Si Elizabeth Eckford est devenue une icone de la déségrégation raciale aux Etats-Unis, la petite femme hurleuse qui la poursuit de sa haine de photo en photo est elle aussi passée à la postérité : elle se nomme Hazel Bryan Massery et a sa propre fiche wikipedia.

Hazel Bryan Massery, le 6 mars 2011 (source)


Elizabeth Eckford et Bill Clinton le 25 septembre 1997, lors du 40ème anniversaire de la déségrégation de la Central High School de Little Rock (source)


Monument en hommage aux Little Rock Nine (source)


Les Little Rock Nine en 1957 dans le salon d'une des leurs, Daisy Bates :


En haut, de gauche à droite : Jefferson Thomas, Melba Pattillo, Terrance Roberts, Carlotta Walls, Daisy Bates, Ernest Green.
En bas, de gauche à droite : Thelma Mothershed, Minnie Jean Brown, Elizabeth Eckford, and Gloria Ray.